Premier discours du Camerlingue.

Publié le par FrereNico

Devant un parterre de clercs et laïcs venus pour l'occasion, Lorgol fit ce discours de son ton le plus solennel...

Hum...

Je tiens tout d'abord à exprimer ma gratitude envers ceux qui m'ont donné leur confiance, et je tâcherai de me montrer digne de la succession de feu son éminence Lescure, qui fut pour nous tous un modèle de foy et de probité.

Lorgol fit une pause, s'assurant qu'il était entendu...

Le principe de nostre église est l’unité, car de l’unité naît la perfection. C’est à l’image de la roche qu’il nous faut penser nostre céleste institution. Sa substance est manifestation du divin, du fait de l’indissoluble lien qui existe entre ses éléments, et si le minéral présente quelques aspérités, elles sont autant de socles qui assurent la stabilité du corps, lorsqu’on le place sur une surface plane. Ces imperfections de forme sont perfections de nature. Elles sont l’œuvre du temps, qui façonne la roche pour l’adapter aux contraintes de l’espace dans laquelle elle se meut.

Ainsi donc, à l’image de la roche, notre église n’est pas uniforme, mais unitaire, et à nous d’employer au mieux la diversité qui existe en son sein, pour parfaire sa destinée, à savoir contempler, un jour, les effets de la pax aristotelica, dont elle aura contribué à imposer la nécessité aux yeux du monde. Nostre église est un tout, car sans le tout l’individu n’est rien. Nostre église est une amitié, non un agrégat hétérogène de volontés qui se contrarient.

En la matière, l’objectif est simple : faire régner, au sein de l’église, un esprit de corps, une cohésion inaltérable. Utilitas publica praeferenda est privatorum contractibus. Chacun doit avoir ceci à l’esprit. L’intérêt du tout est supérieur à celui des parties. Cela ne signifie nullement qu’il faille écraser toute manifestation de l’individualité, mais que celles-ci soient placées au service de l’ensemble, et qu’elles se conforment à son intérêt. Nous devons en particulier mettre fin aux actes isolés des clercs qui certes pensent faire le bien de l'église, alors qu'ils en font le malheur.

Mais cela est également cause valable envers la communauté des croyants. Nostre obectif, tel qu'il est, a été, et sera jusqu'à ce que Dieu le permette, est d'assurer le salut des âmes du monde connu, et de diffuser la vénérable parole d'Aristote et de Christos. A l’image de l’église, les royaumes doivent ainsi, à l’avenir, former une unité, une respublica aristotelica, et placer la direction de leurs affaires spirituelles sous l’égide du très Saint Père, vénérable dans son ministère. Tel l’Empereur, sa Sainteté Eugène est souverain par-dessus tout, et si le premier l’est à l’égard des choses terrestres, le second l’est à l’égard des choses de l’esprit.

On ne fait jamais rien de bon par la guerre, fut-elle juste. Aussi est-il de nécessité première, afin de lutter contre les hétérodoxies qui se multiplient, de mettre en place une campagne de prêche telle que les royaumes n’en ont jamais vu. La sainteté de l’Empire Germanique, qui s’illustre par sa remarquable piété, l’a préservé de l’hérésie. La cible de cet immense projet est donc avant tout le royaume françoys, sur les terres duquel se font publiques les manifestations abjectes des trames obscures de la créature sans nom. Mais il ne s’agira point de faire croisade, il ne s’agira point d’envoyer des armées à l’encontre des françoys, sinon des armées de prêtres, afin de diffuser la vraye foy.

Nous avons un dogme, mais il est évident que celui-ci ne bénéficie pas de la publicité qu’il mérite. Nous formerons donc des prêcheurs en nombre, qui investiront toutes les places du royaume de France, toutes les gargotes, toutes les halles, toutes les tavernes, pour y porter la bonne parole. Nous enverrons des clercs rompus à la disputatio, et des prédicateurs qui réciteront le livre des vertus à qui veut l’entendre. Ces prochains mois, nous percevrons partout la litanie des vertus, et le credo reviendra comme on psalmodie une formule. Nous assènerons nostre message comme le marteau cogne l’enclume du forgeron.

Ramener au troupeau les brebis égarées, tel doit être nostre but. Et ces brebis égarées, on en trouve à toutes les échelles de l’Estat de France, jusqu’au sein de la pairie. Les actes d’apostasie les plus vils sont le commun de certains grands feudataires, qui regardent avec mépris l’action de l’église. D’autres critiquent la puissance de nostre institution, pour le lendemain tirer argument de son inaction. Ce comportement, qui verse dans la patente contradiction, manifeste un sentiment de profond rejet de tout ce qui touche, de près ou de loin, à la foy aristotélicienne. Et la violence de l’église est pour eux un terreau fertile, qu’ils puissent instiller ce perfide venin de l’hérésie. Ne leur donnons plus les moyens de ce faire. Faisons abstraction de ce qui nous entoure, et poursuivons nostre quête de perfection. Une hérésie ne se développe que contre l’église, mais si l’église fait fi des tentations que lui soumettent les hérésiarques, et qui visent à faire naître haine et colère chez le clergé, alors la victoire sera notre. Rendons aux manoeuvres hétérodoxes une majestueuse ignorance, alors que nous prêcherons la Vérité.

Ad majorem Dei gloriam.

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